United World Project

Watch

Vandana Shiva : le mantra pour l’avenir est la déclaration de saint François : « Ce n’est que dans le don que l’on reçoit »

 
26 août 2022   |   , ,
 

Vandana Shiva est une spécialiste et activiste de l’environnement, membre du Forum international sur la mondialisation (Inde) et membre de l’Organisation Internationale pour une  Société Participative (IOPS).

Elle se joint à nous pour le prochain événement mondial EoF et, alors que nous cheminons vers Assise, nous avons voulu l’interviewer,  afin d’approfondir certains sujets importants.   Parlons donc d’écologie, d’économie et d’environnement avec Vandana Shiva !

Face à la crise écologique et à celle des inégalités sociales et économiques, comment voyez-vous le  mouvement The Economy of Francesco et quel rôle  peut-il jouer ?

Premièrement, je ne vois pas la crise écologique comme différente des crises sociale et économique.  Elles sont simplement les deux côtés de la médaille : cela dépend à partir duquel vous observez. Quand vous regardez ce qui arrive à la Terre, vous voyez la crise écologique, mais quand vous regardez du  point de vue des gens qui habitent la Terra, vous voyez les crises sociale et économique. Mais à moins de considérer tous les deux côtés, vous ne trouverez jamais la véritable issue de ces crises. Les mêmes schémas, répétés, les engendrent.

Le premier schéma est celui de l’enrichissement. S’enrichir n’est pas l’économie réelle; ce n’est  qu’un élément parmi les activités de certaines personnes. La plupart des gens font tout ce qu’ils font, non pour ou à cause de l’argent, mais pour des raisons plus élevées. L’argent peut être un moyen, de payer un salaire, par exemple, mais le travail appartient à un ordre supérieur. Comment se définit l’économie aujourd’hui ?  C’est l’art de gagner de l’argent par quelques milliardaires, contrôlant aujourd’hui 40% des ressources mondiales au nom de la création de richesse.

De quelle manière les enseignements de Saint François corrigent-ils cette erreur, stoppant la menace et créant une nouvelle économie? D’abord, en nous aidant à réaliser, dans la conscience que nous faisons partie de la Terre, que d’autres êtres sont frères et sœurs, et ensuite, à voir non seulement la crise économique, mais aussi les profondes inégalités sociales et économiques.  Cette situation est due au fait que les dons de la Terre ont été expropriés. Quatre réseaux multinationaux entendent contrôler les mers, les multinationales  veulent contrôler l’alimentation! Ce n’est pas juste pour la Terre, ni pour ceux qui l’habitent. Quand nous réalisons que la Terre est notre famille, – et c’est un enseignement de saint François – nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas la posséder ! Ce qui unit la famille, c’est faire don d’aimer, donc au lieu de maximiser le gain, au lieu de gagner de l’argent, si l’on considère la Terre comme une famille, on fait grandir l’amour!  S’enrichir signifie extraire, prendre soin signifie donner!

C’est pourquoi pour moi le « mantra » le plus important, comme nous le disons en Inde, le « mantra » le plus important  pour l’avenir est la simple affirmation de saint François: « Ce n’est que dans le don que l’on reçoit ».

La EoF School de cette année est spécifiquement dédiée aux plantes et à ce qu’elles ont à nous apprendre, pour un changement de paradigme : parce que tout comme les plantes sont ancrées à la terre, nous aussi sommes étroitement liés à cette planète ; nous n’avons pas de planète B. Nous savons votre grande connaissance des forêts et la passion que vous avez pour elles. À votre avis, qu’est-ce que les  forêts peuvent nous enseigner en vue d’avoir une meilleure économie?

Les plantes et les forêts doivent être les maîtresses de l’avenir. Elles le sont depuis les années 70. Les plantes nous montrent que c’est en donnant que l’on reçoit. Mais il y a d’autres systèmes que les plantes pour nous donner des enseignements.  Toutes les infrastructures que nous avons construites représentent une évasion des endroits auxquels nous appartenons! La mobilité a été vue comme une vertu pour laquelle les communautés doivent être sacrifiées.

Les plantes nous enseignent trois choses très importantes pour notre avenir. Elles nous enseignent l’appartenance, l’enracinement, le fait d’avoir des racines que l’humanité a besoin de retrouver, le droit à l’enracinement et à l’appartenance. La deuxième chose que les plantes nous apprennent est la symbiose. Tu donnes au sol et du sol germent les fruits! Les plantes nous enseignent une économie de réciprocité et de symbiose ! Et la troisième chose que les plantes nous donnent, c’est l’abondance. Un plant de carotte peut reproduire 5000 carottes, celui de tomate en donne  1500 ! C’est le niveau d’abondance auquel les plantes nous amènent: une petite semence qui continue de se reproduire et de fournir de la nourriture pour toute la vie ! De même que les plantes nous donnent en abondance, un tel type d’économie d’abondance – système immobile quant à sa situation, mais non statique – est extrêmement dynamique et évolutif.

Quel pourrait être le rôle des femmes dans cette transition économique, dans ce changement dont nous sommes protagonistes ?

Comme vous le savez, je n’ai jamais proposé l’écoféminisme, j’ai seulement compris qu’on en a dit un gros mensonge, à savoir que la nature est morte et que les femmes sont passives, quand, en réalité, la nature a créé toutes les ressources de la  Terre, et que les femmes sont les productrices les plus véritables, prenant soin de la nourriture, de l’eau et des malades. C’est ça l’économie du soin. Cela ne signifie  pas que les femmes joueront un nouveau rôle, tout comme les plantes auront été nos enseignantes dans cette transition, les femmes devront l’être dans la transition de l’avidité au soin.  C’est en plaçant l’économie du soin au centre  que le rôle du leadership des femmes devient vital. L’industrialisme a créé  des personnes unidimensionnelles : nous devons nous ouvrir pour devenir  des personnes multidimensionnelles.

L’ avidité a créé la dynamique du « que puis-je prendre, de quoi puis-je m’emparer, combien puis- je obtenir de telle ou telle chose ».  Les femmes nous ont montré que prendre soin des autres est important. Nous tous, êtres humains, devons être mères par rapport à toute vie sur Terre : la maternité est une activité de soin.

Le soin est l’acte le plus créatif, la création la plus précieuse, car il valorise la vie.

Dans The Economy of Francesco, nous avons la conviction que l’économie doit passer de l’intérêt personnel (avidité) à l’amour de soi et à celui des autres. Cependant, ce n’est pas toujours facile dans un monde capitaliste. D’après votre expérience, quels pourraient être les  moyens concrets  d’y parvenir?

Je pense qu’avant tout l’économie de l’avidité se base sur une nature morte. Mais toutes les nouvelles sciences sont des sciences génératrices, de vie. Donc, la première chose est que nous devons passer du paradigme de la mort à celui d’une Terre vivante, passer à faire partie d’une Terre vivante.

Un second élément  concerne les mesures que nous utilisons pour donner à quelque chose un semblant scientifique. Fondamentalement, toutes ces mesures d’extraction créent un système qui soutient la  vie avec une marchandise de mort qui génère du profit. Cela aboutit au stade suivant, celui de la « financiarisation » de la nature, où toute la nature devrait appartenir à quelqu’un. Mais si quelqu’un s’en approprie, d’autres ne peuvent ainsi pas y accéder : cela engendre un nouveau niveau d’expropriation. Ce qu’ils nous ont enseigné comme mesures, ce sont des mesures d’extraction. Le bien-être dépend de ton état de santé,  du nombre de fois où tu peux sourire avec bonheur,  de la sérénité de tes enfants… Voilà des indicateurs très clairs de la vie ! Nous devons commencer à mesurer de façon nouvelle, car nous voulons regarder de façon nouvelle. Donc, première chose : la Terre est un être vivant. Deuxièmement, la mesure d’extraction n’est pas une mesure de vie.

Voudriez-vous laisser un message aux jeunes qui se préparent pour la rencontre d’Assise ?

Célébrez votre  vie sur une généreuse planète vivante ! Ne vous laissez pas submerger par le bruit causé par l’avidité ! Commencez à penser à un monde créatif dans lequel vous impliquer, à un travail créatif pour la Terre, pour une communauté plus large. Le soin de la terre, le soin de la communauté et celui de vous-mêmes sont le même et unique soin. Le soin est indivisible, l’abondance est indivisible,  c’est ça le monde de la création d’une nouvelle économie d’abondance, où il n’y a personne sans occupation, parce que la Terre crée du travail pour vous! C’est le monde du bien-être qu’ensemble nous devons créer.

1er juillet 2022| EoF PEOPLE, EoF PEOPLE, HUBs, Life and Lifestyle, Main Stage, News, Villages, WHAT’S ON, WHAT’S ON

Partage!


SHARE: