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Contre toute forme d’esclavage : aujourd’hui, 23 août, et toujours !
Un voyage dans le thème douloureux de l’esclavage, à l’occasion de la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. Un voyage dramatiquement nécessaire pour ne pas perdre la mémoire de cette blessure ancienne du monde.
Le 23 août est célébrée la « Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition », dans le but de faire revivre de manière constructive, dans ce monde contemporain distrait, une grande tragédie de l’humanité et des êtres humains entre eux.
La nuance « entre eux » n’est pas une subtilité, mais rend le thème encore plus atroce, parce qu’elle le relie à la violence de l’homme envers l’homme : l’opposé de l’amour, de cet amour fondamental de notre prochain comme de nous-mêmes, la règle d’or nécessaire à l’être humain mais à conquérir chaque jour.
Conformément aux objectifs du projet interculturel de l’UNESCO « La Route des personnes mises en esclavage », cette journée sert à pénétrer dans un mal ancien et toujours en embuscade, capable de réapparaître aujourd’hui sous des formes plus sournoises mais pareillement inhumaines.
Le mot « souvenir » incite à « se rappeler », cette Journée y ajoute la solennité ; cette grandiosité qui enrichit un événement pour rendre sa fonction plus authentique et plus profonde : en l’occurrence le travail sur la mémoire de l’esclavage. Pour continuer à le combattre où qu’il se niche.
Un instrument utile à ce noble objectif peut aussi être le cinéma, avec sa capacité à nous immerger dans un thème, à provoquer des émotions fortes et, à travers elles, à former notre conscience.
Quels sont les films nous aidant le plus à entrer dans le thème de l’esclavage ?
Des œuvres comme Ben-Hur et Spartacus – sans aller au-delà de l’époque romaine –suffisent à nous rappeler combien l’esclavage est un fléau tout autre que récent et jamais dompté, à éradiquer, aujourd’hui encore, au premier signal, avec toute la force dont nous disposons.
Dans le premier film, réalisé par William Wyler en 1959, qui se déroule en Palestine pendant les années de la vie du Christ, un noble juif, Judah Ben-Hur, est trahi et réduit en esclavage pendant des années, ramant sur les galères impériales. Dans le second, réalisé par Stanley Kubrick en 1960 – qui se déroule au premier siècle avant JC – est racontée l’histoire de l’esclave Spartacus qui lança la troisième guerre servile à l’époque romaine.
Cependant, ce sont les événements liés à la déportation des africains vers l’Amérique et à leur esclavage dans le nouveau monde, perpétrés de manière barbare pendant des siècles, qui sont les plus (et souvent mieux) racontés par le cinéma.
La première partie d’ « Amistad », 1997, de Steven Spielberg, raconte un voyage d’esclaves dramatique, par bateau, d’Afrique vers l’Amérique (inspiré d’un réel naufrage qui eut lieu en 1839), tandis que, dans « 12 Years a Slave » de Steve Mcqueen (récompensé par l’Oscar du meilleur film en 2013), nous sommes en 1841, et à l’intérieur de l’aventure dramatique de Solomon Northup : un violoniste noir mais libre, trompé et vendu à un esclavagiste du Sud, s’engage dans un terrible cauchemar qui durera 12 ans, et à travers lequel sont racontées l’extrême cruauté dont l’être humain est (fut) capable et la tragédie d’une multitude d’innocents, tombés dans un gigantesque piège par le seul fait d’être pauvres et fragiles.
De même, le très violent Django Unchained, de Quentin Tarantino, de 2012, se situant deux ans avant la guerre de Sécession – en 1858 – , aborde le thème de l’esclavage en Amérique. Il le fait à travers l’odyssée douloureuse du protagoniste Django (qui donne son titre au film) dans les États du Sud. Nous sommes quelques années avant 1863, l’année où se déroule Emancipation : un film dur, chargé de tension et captivant, inspiré de l’histoire vraie de l’esclave Gordon, devenu célèbre grâce à la photo de son dos atrocement fouetté. Elle fut prise lors d’examens médicaux pour être enrôlé dans l’armée de l’Union : elle est immédiatement devenue symbole de la lutte contre l’esclavage.
Emancipation, réalisé en 2022 par Antoine Fuqua, part des plantations de coton de Louisiane pour raconter l’histoire de l’esclave Peter (Will Smith), fuyant d’une violence continuelle et soumis à de lancinantes péripéties, avant de pouvoir s’enrôler chez les Nordistes à Baton Rouge. Dans sa course dramatique, à travers plantations et marécages, est à nouveau montrée la barbarie de l’esclavage, entre souffrances et vexations physiques.
La photo emblématique de Gordon apparaît également dans le film Lincoln de 2012, réalisé (à nouveau) par Steven Spielberg et se passant en 1865, avec la guerre de Sécession dans sa phase finale, alors que le président Lincoln s’engage fortement à officialiser – dans tous les États américains – une loi pour l’abolition de l’esclavage. Sa lutte contre le temps le mènera au grand résultat du XIIIe amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique.
Cette mesure historique a mis fin à un triste fléau dans le monde, à une profonde blessure de l’humanité, dont il fut fait mémoire (aussi) par des films nécessairement durs, tels ceux cités, mais aussi par des séries télévisées (tout aussi dramatiques) plus ou moins récentes. Il s’agit notamment de The Underground Railroad, 2021, réalisé par Barry Jenkins, lauréat d’un Oscar. Une œuvre forte, parfois dérangeante, située entre la Géorgie, la Caroline (Sud et Nord) et le Tennessee.
Sans oublier la plus ancienne série, restant gravée dans la mémoire collective, Roots (1977), qui se déroule dans une période partant du milieu du XVIIIe siècle et se déplace entre la Gambie, où le protagoniste Kunta est kidnappé, la Virginie et d’autres États américains où revivent des histoires et des générations d’esclavage.
Enfin, à signaler une série documentaire de 2021 (Sky) intitulée Enslaved, avec l’acteur américain Samuel L. Jackson (originaire du Gabon) servant de guide dans un autre voyage douloureux mais nécessaire, fait de chiffres effrayants : douze millions de personnes kidnappées, deux millions de morts, quarante-cinq mille transports en bateau durant des siècles de déportation. Ils ont produit un abîme profond dans l’histoire de l’humanité, abîme dont il est indispensable de cultiver la mémoire avec soin et ténacité, ainsi que d’en empêcher toute évacuation dans l’oubli. Il faut au contraire le maintenir à l’esprit par tous les moyens utiles afin que le passé tragique de l’esclavage puisse servir de leçon au présent et à l’avenir de l’humanité. Aujourd’hui, 23 août, et toujours !