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La paix, chemin d’espérance
Par Javier Baquero Maldonado*
Un commentaire sur le message du pape François pour la Journée Mondiale de la Paix 2020.
En parfaite continuité avec Paul VI, qui, en 1968, a institué la Journée Mondiale de la Paix au premier jour de l’année, le Pape François en a célébré la LIIIème (53ème) édition, publiant un message, qui augure d’un « chemin de la vie humaine dans le temps – qu’avec son équilibre juste et bénéfique la paix vienne à dominer le déroulement de l’histoire à venir » comme le souhaitait Paul VI. Un message particulièrement significatif, pour le contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui, avec un monde de plus en plus bouleversé et menacé de haine et de guerre.
Mais quels sont les points forts du message qui nous concernent aujourd’hui?
Le Pape reconnaît que la paix est vraiment un bien précieux, nous en sommes sûrs, nous tous ceux qui vivons dans un pays ou un territoire en guerre, comme nous colombiens: nous ressentons l’horreur de la violence qui a parcouru notre histoire jusqu’à aujourd’hui. Elle a fait perdre notre dignité, accru la pauvreté et nous a éloignés de l’harmonie et du bonheur. François rend évident le fait que « La guerre se nourrit de la perversion des relations, des ambitions hégémoniques, des abus de pouvoir, de la peur de l’autre et de la différence vue comme un obstacle; en même temps, elle alimente tout cela« .
Nous reste alors l’espérance, en tant que « la vertu qui nous met en route, nous donne des ailes pour avancer, même lorsque les obstacles semblent insurmontables« ; simultanémment, toutefois, nous ne pouvons pas continuer sur une voie de fausse sécurité, faite de peur et de méfiance, où les investissements dans le secteur de l’armement augmentent toujours plus; nous avons au contraire besoin de confiance, de solidarité mais aussi de co-responsabilité.
Dans ce message, il devient évident comment la fraternité universelle est en rapport étroit avec la paix, un lien déjà exprimé par tant de chefs religieux au cours de ces années. Chiara Lubich elle-même, à Rimini en 2002, reconnaissait que nous sommes tous une seule chose, dans une profonde interdépendance, et que « la plus haute dignité pour l’humanité serait en effet celle de ne pas se sentir comme un ensemble de peuples souvent en désaccord les uns avec les autres, mais, par l’amour mutuel, un seul peuple, enrichi de la diversité de chacun et, de ce fait, gardien de l’unité des différentes identités« . [1]
De même, après des attaques terroristes aux États-Unis, le Dalaï Lama écrivait « Nous ne nous sommes pas souvenus des vérités humaines les plus élémentaires. (…) Nous sommes tous un. C’est un message que la race humaine a largement ignoré. Oublier cette vérité est la seule cause de haine et de guerre« .
Le pape François rappelle aujourd’hui que « avant tout, il faut faire appel à la conscience morale et à la volonté personnelle et politique. La paix, en effet, se rejoint dans les profondeurs du cœur humain et la volonté politique sera toujours revigorée, pour ouvrir de nouveaux processus, réconciliant et unissant peuples et communautés« .
La paix est un processus long, permanente, qui ne peut réussir que s’il est le fruit d’une coresponsabilité à tous les niveaux, simultanément: au niveau local, national et international, sur la base d’un dialogue, approfondi dans la vérité, qui écoute et reconnaît la différence. Le Pape fait clairement référence à oeuvrer pour le développement humain intégral et pour une économie avec plus de gratuité et de communion, dimensions fondamentales, en vue de construire la paix.
La vision complexe de la pensée de François réside dans le fait qu’il ne reste pas à penser la paix uniquement comme une question de rapports entre les êtres humains, mais va plus loin, l’insérant dans un système plus complet de relations, également avec la nature , la planète, sachant bien à quel point les guerres sont aussi déclenchées pour une exploitation continue de territoires, ce au détriment des plus pauvres. Voilà donc l’importance « de célébrer et respecter la vie reçue et partagée » avec un vigoureux appel à une conversion écologique, « comprise de manière intégrale, comme une transformation des relations que nous entretenons avec nos sœurs et nos frères, avec les autres êtres vivants, avec la création dans sa riche variété, avec le Créateur qui est à l’origine de toute vie« .
Enfin, le pape conclut: « Le chemin de la réconciliation requiert patience et confiance. La paix ne s’obtient pas, si on ne l’espère pas« , reconnaissant que la paix est une conquête de tous les jours, qui s’atteint dans la lenteur et en faisant sien le rêve de Martin Luther King: « Aujourd’hui, j’ai (…) rêvé que (…) les hommes transformeraient leurs épées en charrues, et que les nations ne s’élèveraient plus contre les nations, que la guerre ne serait même plus objet d’étude. (…) Avec cette foi, nous serons capables de hâter le jour où il y aura paix sur terre et bonne volonté envers tous les hommes. Ce sera un jour glorieux, les étoiles chanteront toutes ensemble et les enfants de Dieu crieront de joie« . [2]
Que cette année qui débute soit une année de rêver d’un monde en paix et que notre action collective réponde concrètement à ce désir!
[1] Voir Chiara Lubich « Fraternité et paix par l’unité entre les peuples », conversation lors de la journée de Rimini, 22 juin 2002.
[2] Martin Luther King, discours au Lincoln Memorial – Washington, pendant la marche pour le travail et la liberté, 28 août 1963
* Professeur assistant en Science Politique, Institut Universitaire Sophia, Loppiano, Italie.