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« J’étais enfant soldat, aujourd’hui je travaille pour la paix »
Arthur a été un enfant soldat, « recruté » contre son gré comme beaucoup d’autres garçons de son âge. Aujourd’hui, il est artisan de paix, et il raconte son histoire ainsi…
Nous allons l’appeler Arthur : personne ne sait si il s’agit de son vrai prénom. En revanche, ce qui est douloureusement vrai, c’est son histoire marquée par la violence et l’horreur puis une renaissance sous le signe de la paix. Il est possible de naître dans un pays en guerre et de devenir un « artisan » de paix.
Tout commence dans les années 90 lorsque le pays d’Arthur, au cœur du continent africain, vit une guerre civile pour le contrôle des mines de diamant. On dit que la première victime de toute guerre est la vérité mais juste après, il y a eux, les enfants, qui ont besoin de soins, d’affection, de tendresse et qui sont contraints dans une guerre ignoble de prendre les armes et de devenir malgré eux des assassins. Au cours de cette période-là, on calcule qu’environ 5 000 enfants ont été enlevés par les rebelles pour renforcer l’armée, saisir et conserver le pouvoir.
« Pendant ces années-là, des groupes de rebelles ont été formés pour combattre contre l’armée gouvernementale » – raconte Arthur. « Un jour, un groupe d’hommes armés est arrivé dans mon village. Ils sont entrés chez moi et m’ont emmené avec eux pour m’ajouter à l’armée des ‘enfants soldats’ ».
Ce jour-là, Arthur se retrouve avec de nombreux autres enfants comme lui. Ils partent et sont obligés de marcher toute une nuit pour rejoindre leur base : « Au cours de ce voyage, l’un des enfants, fatigué, demande de pouvoir se reposer. L’un des rebelles le regarde et lui dit : ‘OK, toi tu restes ici te reposer et nous on y va’ et l’exécute sans hésitation. »
Arthur n’a que six ans lorsqu’il est enlevé et qu’il apprend à vivre avec les rebelles qui pillent et brûlent des villages, massacrent les habitants et coupent les mains des adultes et des enfants afin qu’ils n’aient plus d’empreintes digitales pour voter. « Nous avions été des enfants effrayés par les coups de feu; maintenant, c’était nous qui tirions ».
En effet, de nombreux enfants sont enrôlés en tant que soldats sans en avoir conscience. Ils sont convoités pour plusieurs raisons : ils ne comprennent pas la gravité de la situation, ils sont petits, rapides et capables de se faufiler dans des bouches d’égout ou des trous et de se camoufler si besoin. Face à une promesse ou à une menace, ils sont extrêmement loyaux. Pendant cinq ans, Arthur vit lui aussi dans ce contexte où les enfants sont également drogués pour leur permettre de commettre des atrocités.
« Au cours de nos déplacements, les femmes des villages voisins étaient obligées de nous apporter de la nourriture. Un jour, parmi ces femmes, j’ai reconnu ma mère, que je croyais morte depuis des années. Nous avons dû faire semblant d’être indifférents, de ne pas nous réjouir, presque de ne pas nous reconnaître pour nous sauver, mais ensuite, grâce à un stratagème, j’ai réussi à prendre la fuite avec elle pour rentrer en ville et faire appel à l’armée gouvernementale, qui nous a aidés jusqu’à la fin de la guerre ».
Après la fin des atrocités, la difficulté de parvenir à une paix réelle demeure car le désir de vengeance envers les rebelles est trop fort.
Mais là encore, ce sont les enfants qui sont les véritables protagonistes du changement. Arthur raconte son étonnement lorsqu’un jour le Président du pays demande à une enfant à laquelle on avait coupé les mains : « Si tu voyais les personnes qui t’ont coupé les mains, que ferais-tu ? » L’enfant répond : « Je dois pardonner les rebelles, car si nous ne pardonnons pas, la guerre ne finira jamais ».
Ces mots font le tour du pays : « C’est peut-être grâce aux personnes comme cette enfant que la guerre est finie dans notre pays » – poursuit Arthur, qui, après la fin du conflit, rentre enfin à l’école où il rencontre les missionnaires xavériens qui lui font découvrir un mode de vie différent où la fraternité est au centre. « Ne croyez pas que c’était facile ou immédiat, parce que les blessures étaient là et sont toujours là, mais à l’exemple de cette enfant j’ai cherché à vivre comme le proposaient ces missionnaires, c’est-à-dire en essayant de faire aux autres ce que j’aurais voulu que l’on me fasse, et j’ai senti un changement à l’intérieur de moi ».
Ce changement se poursuit encore aujourd’hui et il a conduit Arthur à étudier en Italie et à partager sa vie avec des personnes du monde entier : « Vivant au milieu de tant de cultures, j’ai essayé d’accueillir la diversité de tout cœur. J’ai compris que l’on peut vivre différemment, sans crainte ».
Tout naturellement, Arthur commence à travailler dans le domaine de la citoyenneté globale et à suivre à distance, pour l’instant, des projets pour les écoles dans certains pays africains. Arthur est désormais ambassadeur de paix dans le cadre du projet Living Peace International, avec un rêve dans son cœur : « J’aimerais retourner dans mon pays et travailler avec mon peuple, surtout avec les enfants et les jeunes, pour les éduquer à vivre pour la fraternité entre tous les hommes ».