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TEMOIGNAGES | Être le changement en Afrique du Sud
Nous partageons ici le témoignage de Kereditse Mothibakgomo, jeune sud-africaine de la ville de Hartswater, qui a été l’une des participants au projet « Be the change » (« être le changement »), initiative visant à contribuer à surmonter les barrières existantes entre les différents groupes raciaux et sociaux. L’objectif : collaborer pour aider les jeunes et les adolescents défavorisés à identifier les besoins de leurs communautés et à s’impliquer concrètement pour la solidarité.
Hartswater est une petite ville située dans la région semi-désertique de l’Afrique du Sud. Vantant le deuxième plus grand système d’irrigation de l’hémisphère sud, son économie est principalement basée sur l’agriculture. Lorsqu’il est devenu clair que la pandémie durerait longtemps, nous nous sommes demandés comment faire pour trouver des solutions à long terme.
Parmi les groupes les plus touchés par la crise, nous avons identifié les jeunes issus des groupes sociaux les plus défavorisés.
Nous nous sommes mis en réseau avec d’autres réalités locales et nous avons lancé un projet que nous-mêmes, les jeunes, avons décidé d’appeler « Be the Change », car il avait pour but de former les acteurs du changement dans les milieux les plus vulnérables pour nous les jeunes.
Ensemble, nous avons donné vie à un cours de formation de la durée de six mois environ, avec trois cours par semaine divisés en six modules couvrant la préparation à l’emploi, des compétences pour la vie de tous les jours, des compétences informatiques, la sécurité alimentaire, etc.
Les deux premières semaines ont été consacrées à une formation intensive sur l’Art d’Aimer. Nous avons vécu plusieurs expériences concrètes à cet égard.
Le programme incluait la conception d’un plan de développement personnel avec un suivi périodique pour le passage aux étapes suivantes. Il comprenait aussi des actions concrètes de service à la communauté, comme la production et la distribution de masques et d’écrans faciaux, ainsi que le nettoyage de deux locaux.
Malgré le nombre limité de bénéficiaires directs (15 lors du premier cours), le projet a suscité un grand intérêt, et nous avons eu l’occasion de le présenter lors d’un forum qui a vu la participation de plusieurs autorités, dont le Département pour le Développement Social de la province.
Le programme a ensuite été répété en 2021 et en 2022.
Lors de la dernière édition, en plus de collaborer à la distribution de colis alimentaires, nous les jeunes avons organisé un forum de l’entreprise. Des entrepreneurs blancs de succès sont venus pour la première fois dans les banlieues pour partager leur vécu et leurs compétences avec des petits entrepreneurs d’autres groupes raciaux, malgré le fort racisme hérité du régime de l’apartheid.
Nous avons également organisé une campagne de sensibilisation à l’abus d’alcool et de drogues, dans laquelle nous avons impliqué plusieurs acteurs, tels que la section sociale de la police, le Ministère de la Santé, les pasteurs de quelques églises, etc.
Parmi les jeunes qui ont suivi la formation ces deux dernières années, certains ont trouvé du travail, d’autres se sont inscrits à l’université ou à des formations professionnalisantes, montrant ainsi à de nombreux autres jeunes comme nous que oui, il est possible d’être le changement !
Pour en savoir plus …
Hartswater
Hartswater, en Afrique du Sud, est une petite ville agricole d’environ 10 450 habitants, au centre du système d’irrigation de Vaalharts, l’un des plus grands au monde, qui garantit l’irrigation de près de 40 000 hectares de terres dans le pays. A Hartswater, les gens vivent principalement de l’agriculture. Certains se débrouillent en vendant dans la rue ou grâce à des emplois saisonniers, souvent informels. Ici, les conséquences des longues années d’apartheid sont toujours vivantes. Les données officielles datent de 2011 et ne reflètent pas la réalité d’une population en croissance constante. De nombreux établissement spontanés sont apparus, souvent suite à des invasions illégales de terres, sans plan d’urbanisme et sans les infrastructures et les services nécessaires. La densité de population va des 254,03 habitants par km² dans le centre de Hartswater aux 5 762,96 habitants par km² dans la banlieue. Cela signifie une moyenne de 41,18 m² par habitant dans le centre contre 1,73 m² par habitant en banlieue. Dans les établissements spontanés, la densité démographique est encore plus élevée. Il n’y a pas de données disponibles, mais, comme l’expliquent les promoteurs du projet « Be the Change », il suffit de regarder autour de soi pour constater la gravité de cette inflation urbaine.
Les jeunes constituent 56% de la population totale. Bien qu’ils soient un atout pour la société, ils ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent. Les conséquences de la discrimination raciale en matière d’éducation sont encore évidentes. En effet, les compétences scolaires des jeunes noirs et métisses sont inférieures à celles d’autres groupes ethniques. Cela contribue à maintenir l’écart culturel et le risque d’exclusion sociale.
Be the change
Depuis 2018, le Mouvement des Focolari est engagé à Hartswater dans un projet éducatif nommé The Bridge (littéralement, « le pont »), visant à opérer une médiation entre les différents groupes ethniques qui peuplent le quartier de Bonita Park, en comblant les écarts et les différences culturelles. Ceci grâce à la création d’un programme de soutien scolaire dans un lieu qui est devenu un point de rencontre et de dialogue entre cultures pour enfants et adolescents.
De nombreuses activités de sensibilisation, telles que des évènements sportifs, des campagnes écologiques, etc., avaient déjà été organisées par le passé. Le début et la persistance de la pandémie ont montré la nécessité d’un plan d’aide plus large pour les jeunes générations. Ainsi, en 2020, en collaboration avec Oasis et Victory House (deux ONGs déjà présentes dans les communautés de Bonita Park et Jankempdorp respectivement), le programme « Be the Change » a vu le jour. Il a ensuite été répété les années suivantes.
Le but principal du projet est de contribuer à surmonter les barrières entre les différents groupes raciaux et sociaux, afin de travailler ensemble pour les jeunes et les adolescents des milieux défavorisés, en les aidant à identifier les besoins de leurs communautés et à s’impliquer concrètement pour la solidarité.
En particulier, le parcours « Be the Change » part de l’ « Art d’aimer » proposé par Chiara Lubich et illustré par le contenu de la « Pédagogie transformative » de l’UNESCO et de la spiritualité évangélique de l’unité. Ensuite, plusieurs ateliers avec des experts sont prévus (Life skills, formation spirituelle, préparation à l’emploi, éthique, alimentation, éducation à la paix, éducation à l’écologie, etc.). Le projet se conclut par la participation à des activités d’écologie, sécurité alimentaire et sensibilisation avec d’autres agences actives sur le territoire, en impliquant également d’autres jeunes et adolescents.
A partir de cette année, « Be the Change » se poursuivra en se concentrant sur l’empouvoirement des femmes.